Tout est chamboulé. Même cet article qui aurait dû paraître mardi. Oui, mais voilà, comme vous, mon activité est réduite au minimum et impossible pour moi, dans mes ficanasseries du mardi de vous filer les adresses du moment : on est en confinement. Comme pour beaucoup, dans ma tête ça se bouscule. J’alterne entre l’angoisse de rester enfermée à la maison et celle de me dire que je me dois de trouver le positif dans tout ça. Alors, aujourd’hui, à 2 jours de confinement, ça va plutôt bien, mais qu’en est-il lorsque l’on est confiné depuis 15 jours, 3 semaines ?
Alors pour une fois, j’ai voulu laisser la parole à des amies Françaises, expatriées à Turin et qui tiennent un blog sur leur vie de françaises en Italie. Amélie et Laura, racontent avec humour, les différences entre les français et les italiens, nous donnent leurs bons plans…
Mais depuis le 25 février, tout ça a changé pour elles aussi. Amélie est passée dans une zone rouge. Elle est confinée pour suspicion de Coronavirus. Le cœur en France, le corps en Italie, elles vous racontent ici, aujourd’hui, pourquoi cela a été si difficile psychologiquement pour elles cette disparité entre la France et l’Italie.
Alors avec quelques jours, voire de semaines, de confinement de plus que nous, Amélie et Laura, nous donnent un petit aperçu de ce qui nous attend durant les 15 prochains jours au moins….
Le confinement en Italie : les blogueuses de Ciccia & Cervia racontent
Abla : Depuis quand êtes-vous en confinement ?
Amélie : Depuis le mardi 25 février, je suis en quarantaine car je suis passée par la zone rouge la semaine d’avant, deux jours de salon à Piacenza en passant par Codogno plus un weekend à Milan. On m’a demandé de rester chez moi. Comme indiqué sur le site de la région Piémont, je me suis déclarée auprès du service sanitaire et hygiène de Turin pour avertir de mes déplacements, lesquels m’ont dit qu’il ne devrait pas y avoir de risques d’être contaminée. A l’époque, ils ne savaient pas que ça se propageait aussi rapidement, les données étaient bien inférieures et puis, c’était devenu la folie dans les zones touchées dans le nord de l’Italie. Ils étaient dépassés par les appels de signalements. Je suis quand même restée deux semaines en télétravail, à la demande de mon entreprise.
Laura, quant à elle, a continué d’aller au travail, en vélo jusqu’au vendredi 13 mars. Consignes sanitaires mises en place dès le lundi 24 février, des produits de nettoyage donné pour laver le poste de travail, ordinateur, souris, téléphone, chaque matin en arrivant. Nettoyage des mains à chaque pause. Puis espacement des postes de travail de plusieurs mètres. Actuellement, on lui a demandé de rester trois jours en congés, le temps de réussir à organiser le télétravail. Elle attend de savoir si c’est possible. Sinon, chômage technique. Et ce n’est pas le pourcentage perçu en France !
Abla : Quelles ont été vos premières réactions ?
Amélie : Quand on a appris que le coronavirus était arrivé en Italie, une centaine de cas au départ, le samedi 22 février, on était perdues. Le soir même on fêtait mon anniversaire à l’appart avec les potes. On s’est demandé si il fallait le maintenir, on ne comprenait pas ce qui se passait. Mais le gouvernement italien ne cessait de communiquer et c’était grave. Il n’y avait qu’une centaine de cas à ce moment-là. On décide de faire la soirée mais on fait attention, on tient nos distances dans le salon. On est prudents sans n’avoir eu aucune consigne sur ce qu’il faut faire ou non. On plaisante un peu aussi sur le coronavirus…
Le lundi au travail, Laura découvre les mesures d’hygiènes à prendre. Moi, je découvre mes collègues qui savent par où je suis passée la semaine précédente. Après une journée terriblement longue, je décide de me mettre en auto-quarantaine et me déclarer aux services d’hygiène. On est complètement déstabilisées.
Au fur et à mesure, on va traverser différentes phases :
1. Rester chez nous quelques jours pour comprendre la situation. La peur de contaminée est plus forte que de contracter la maladie. A ce moment là, c’est une simple grippe.
2. Décider que la vie continue, notamment car on voit des initiatives sur internet comme “Milan ne s’arrête pas” tout en prenant beaucoup de précaution, un mètre d’écart, pas de bise, pas de poignée de mains. Des situations étranges mais tout le monde faisait attention. On fait très attention à ce qu’on touche, à ne pas nous toucher le visage… Deux semaines d’incertitude, suspendues aux bilans, chaque jour pire que la veille, publiés par le ministère de la santé.
3. Puis, on comprend l’ampleur du problème, c’est bien plus grave qu’une grippe. Le gouvernement annonce des mesures pour trois régions du Nord de l’Italie, on est le dimanche 8 mars. Avec Laura, nous nous préparons psychologiquement à être en confinement, le Piémont étant la région voisine de la Lombardie. Même si on ne sait pas bien ce que cela veut dire “être en confinement”.
4. Le 9 mars, le coup de massue, le pays entier est en confinement. On s’isole pendant que le reste de l’Europe fait comme si de rien n’était. On est dans l’angoisse pour nous et aussi pour nos proches en France. La peur laisse place petit à petit à la colère.
Abla : Comment se passe votre confinement ?
Amélie : Depuis le 24 février, silence dans la ville, plus aucun klaxon, plus aucune voiture, plus rien. On sort uniquement pour aller faire une course au supermarché, c’est d’ailleurs pas la peine de faire le plein car sinon après il n’y aura plus de motif pour aller faire “une balade” dehors.
Sortir mettre les poubelles dans les conteneurs de tri sélectif est devenu un plaisir !
ça nous permet de sortir en faisant un petit détour pour allonger le temps de marche. Oui parce que sinon c’est au bout de la rue.
Lors de la balade “supermarché”, on va parler à nos amis sous leur fenêtre (3ème étage), pour échanger deux mots et un sourire. Ca fait très sketch des Inconnus avec la scène de “Eh Manu tu descends?”. Les gens se parlent de balcon à balcon.
Abla : avez-vous rencontré des difficultés durant cette période de confinement ?
Amélie : La première semaine de confinement a été très dure psychologiquement en raison du décalage avec la France. L’impression d’être folles aux yeux de nos proches en France et des gens sur les réseaux sociaux. Beaucoup de critiques envers l’Italie nous ont blessées, surtout venant du gouvernement français alors que la situation des hôpitaux en Italie en Lombardi est critique et qu’on aurait eu besoin de soutien, ne serait-ce que moral. C’est surtout ce décalage qui était difficile, plus difficile que de devoir limiter nos sorties. De savoir que la population jeune est à risque également n’est pas simple à gérer.
Abla : En Italie, avez-vous une visibilité sur la sortie de ce confinement ?
Laura : Dès le dimanche 9 mars, on nous a annoncé la fin du confinement le 3 avril. On espère vraiment que le confinement va fonctionner, faire reculer la contagion et permettre aux gens de guérir. On espère de tout notre coeur pouvoir sortir début avril mais on reste que moyennement positives, pour être tout à fait honnêtes.
Abla : La solidarité est-elle de mise en Italie ?
Laura : Les gestes solidaires se sont multipliés : offre des pizzas aux services hospitaliers, mots dans les escaliers pour proposer de l’aide les anciens et les personnes fragiles….
Ca fait au chaud au coeur de voir qu’un peuple s’unit !
Surtout l’Italie, qui historiquement est scindée en deux : Nord et Sud. En ville, des mouvements s’organisent pour soutenir moralement toutes les personnes qui travaillent en première ligne, tous aux fenêtres avec des actions différentes : à 12h des applaudissements pour le personnel hospitalier, en fin de journée, un moment musique ou encore à 20h quelques minutes avec les lampes torches allumées. C’est beau.
Abla : Quels conseils vous nous donneriez pour mieux supporter et garder le moral ?
Laura : Eteindre BFM TV et faire attention aux fake news.
Travailler nous permet de tenir le coup moralement car le confinement ce n’est pas les vacances et une fois le choc passé, les journées sont bien longues. Des activités manuelles permettent aussi d’occuper notre cerveau en cette période un peu compliquée. Et on regarde des sketchs d’humoristes français que nous avons loupé depuis 2016…
Appeler ses proches et faire des apero visio avec les copains, envoyer des cartes postales avec des mots réconfortants. Qui ne sourit pas quand il reçoit une petite carte ?
Propager l’espoir et l’optimisme. Ici le mot d’ordre est “tout ira bien” ANDRÀ TUTTO BENE
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Pour en savoir plus sur leur vie en confinement, n’hésitez pas à visiter leur blog et notamment cet article.
Pour ma part, je vais continuer encore et encore d’écrire, pour tenter de vous faire sourire, presque chaque jour <3
Portez-vous bien, restez bien à la maison et gardons espoir et joie <3
AblaCarolyn